Académie des technologies

LES PRODUITS CHIMIQUES DANS NOTRE ENVIRONNEMENT QUOTIDIEN

Avis adopté par l’Assemblée le 10 octobre 2012

L’industrie chimique est la troisième industrie en France, après l’automobile et la métallurgie. Elle emploie plus de 160 000 personnes dans les métiers de la fabrication, de la transformation et de la formulation, elle s’appuie sur un important effort de recherche. Il s’agit souvent de PME innovantes. Globalement, l’industrie chimique contribue de façon positive à la balance commerciale de notre pays.

Les produits chimiques constituent un véritable phénomène de société. D’une part ils sont devenus très présents dans notre vie quotidienne, que ce soit pour se nourrir, se vêtir, se soigner, se déplacer, mais, d’autre part, certains d’entre eux ont été à l’origine de réels problèmes, en termes de santé ou d’environnement, en raison d’effets secondaires, parfois apparus longtemps après une exposition, ou encore de persistance dans les milieux. Cela ne retire rien aux progrès qu’ils ont apportés et apporteront à notre civilisation, à condition de s’assurer que chaque produit correspond à un besoin réel, que ses effets secondaires ont été évalués et que son élimination peut se faire dans de bonnes conditions.

Les technologies modernes dont nous disposons, nous permettent de répondre à la plupart des interrogations sur les produits chimiques. Les méthodes analytiques arrivent désormais à détecter des substances en d’infimes concentrations, dans tous les milieux. Les tests d’évaluation des effets toxicologiques et éco-toxicologiques sont désormais, pour ces produits, aussi sophistiqués que pour les médicaments. Les technologies d’élimination, que ce soit par des procédés biologiques, thermiques ou chimiques se sont bien développées. Il reste toutefois quelques points qui doivent être améliorés :

– le poids du passé : quelques produits, aujourd’hui interdits ou très règlementés, ont été utilisés en fortes quantités dans le passé ; leur persistance dans l’environnement est la source de nombreuses interrogations;

– l’évaluation des effets à faible dose ou à long terme ;

– la tendance à la surconsommation : elle est fréquente, en raison de la facilité d’utilisation de ces produits et du confort qu’ils apportent ;

– leur cycle de vie : on ne peut que regretter que la collecte de certains produits ne soit pas suffisamment développée pour qu’ils puissent être recyclés ou éliminés dans de bonnes conditions. C’est un problème à la fois de d’organisation de la collecte, d’économie, de débouchés pour les produits recyclés, de financement, et de civisme de la part des consommateurs.

La Commission Environnement de l’Académie des technologies a confié à un groupe de travail la mission de faire un point sur les produits chimiques, sur leur utilisation et sur leur élimination. Les conclusions de ce groupe de travail amènent aux recommandations suivantes :

1. Les produits chimiques ont été et seront encore à l’origine de nombreux progrès dans notre vie quotidienne, dans une optique de développement durable et de préservation de la santé. Ils contribuent aux économies d’énergie avec les matériaux isolants, ils sont à la base de la fabrication des cellules photovoltaïques, ils sont très employés pour le traitement des eaux, ils constituent la matière active des médicaments… Il ne peut donc être envisagé de les remettre en cause globalement ;

2. Les produits qui posent problème, doivent être remplacés, chaque fois que cela est possible, par des composés mieux tolérés, et si cela n’est pas possible mais qu’un produit s’avère vraiment indispensable, sa mise sur le marché et son élimination doivent être rigoureusement encadrées ;

3. Le développement de produits nouveaux doit prendre en compte tout le cycle de vie de ces produits : de la fabrication incluant l’origine des matières premières et l’énergie consommée, à l’élimination ;

4. Les politiques de récupération, de recyclage et d’élimination doivent devenir plus efficaces, quitte à recourir à des règlementations contraignantes. Un produit recyclable ne doit plus aujourd’hui se retrouver abandonné dans l’environnement. Un très gros effort de sensibilisation et d’éducation est indispensable pour inciter chacun à jouer son rôle ;

5. Pour prévenir le risque de surconsommation et de gaspillage, les fabricants doivent généraliser des mesures telles que : dosettes, bouchons-doseurs, calibrage des flacons ….

6. Les tests d’évaluation des propriétés toxicologiques et éco-toxicologiques doivent être développés, perfectionnés et généralisés, en utilisant notamment les nouveaux modèles prévisionnels qui permettent de mieux anticiper les effets secondaires des produits ,

7. Les effets à faible dose et à long terme, ainsi que les éventuelles propriétés perturbatrices des fonctionnements hormonaux, doivent pouvoir être mieux et plus rapidement appréhendés ;

8. Il convient également de promouvoir et de multiplier les études épidémiologiques, afin d’aboutir à une véritable toxicovigilance, à l’instar de la pharmacovigilance mise en place pour les médicaments ;

9. Le poids du passé et les conséquences imprévisibles à long terme de l’utilisation de certains produits, devraient pouvoir être pris en charge par la collectivité. Une réflexion mériterait d’être engagée sur une procédure de réparation/indemnisation ;

10. Les règlementations doivent évoluer pour mieux prendre en compte les connaissances scientifiques nouvelles et les performances des technologies modernes. Les industriels de la chimie doivent, quant à eux, continuer de s’impliquer dans la préparation de ces règlementations, comme ils l’ont fait avec le règlement REACh.

Les produits chimiques sont très présents dans notre quotidien et ils continueront de l’être. Il faut donc apprendre à mieux les connaître pour mieux les utiliser et mieux les gérer. Cela devrait commencer dès l’école primaire. Les études supérieures en chimie ont besoin d’être rendues plus attractives, pour attirer des étudiants à haut potentiel. Peut-être faudrait-il moderniser la façon dont cette matière est enseignée. Il est en effet indispensable d’oeuvrer à l’amélioration de l’image de la chimie, trop souvent altérée par quelques cas particuliers. L’industrie chimique a une grande importance dans notre pays et en Europe, elle s’est orientée vers de nouvelles technologies, plus douces, utilisant moins de ressources non renouvelables pour proposer des produits plus propres et produits sûrs. C’est aussi une source d’innovation dans la plupart des technologies qu’il s’agisse de la santé, des communications, des économies d’énergie et de la lutte contre le changement climatique…. Elle mérite donc d’être mieux perçue qu’elle ne l’est actuellement.