Communiqué de presse - Paris, le 13 novembre 2025
Face à la crise internationale qui se développe depuis une vingtaine d’années autour des très nombreux et très différents produits chimiques rassemblés sous l’appellation «PFAS», l’Académie des technologies dresse un état des lieux du sujet dans un rapport inédit. Considérant les usages stratégiques de ces molécules et les enjeux de santé publique et environnementaux, l’Académie émet une liste de recommandations ambitieuses et réalistes pour une transition maîtrisée.
PFAS de quoi parle-t-on ?
Les molécules et matériaux per- et polyfluoroalkylés , trop généralement rassemblés sous l’appellation générale «PFAS» et souvent qualifiés de «polluants éternels» constituent une famille chimique vaste et hétérogène. Cette famille rassemble plus de 10 000 composés, allant des petites molécules (jusqu’à 500 grammes par mole) aux polymères de masse molaire élevée. Les polymères PFAS sont utilisés depuis les années 1940 dans une multitude d’applications industrielles et grand public. Leur succès repose sur des propriétés physico-chimiques uniques : résistance thermique et chimique, imperméabilité, faible friction, stabilité mécanique.
Des usages stratégiques mais des dangers majeurs : le double défi des PFAS
Ces propriétés physio-chimiques uniques font des PFAS des éléments clés pour le bon fonctionnement de nombreux secteurs majeurs tels que l’énergie, l’aéronautique, l’automobile, l’électronique, le médical, l’agrochimie, les emballages ou le textile. Certains polymères fluorés sont d’ailleurs jugés indispensables faute d’alternatives validées.
Mais cette utilisation extensive des PFAS est à l’origine d’une crise environnementale et sanitaire mondiale, en raison d’une très large diffusion dans l’environnement de petites molécules qui présentent une extrême persistance et une toxicité avérée. Les fabrications, usages et fins de vie de PFAS génèrent des rejets de petites molécules toxiques et mobiles dans l’environnement. Des analyses exhaustives, capitalisant sur les progrès en chimie analytique, ont révélé leur présence généralisée dans les eaux, les sols, l’air, les aliments et les organismes vivants. Les petites molécules telles que les PFOA, PFOS, PFHxS ou TFA ont ainsi été détectées à des niveaux de présence préoccupants car elles migrent dans les chaînes alimentaires, franchissent les barrières biologiques (placenta, lait maternel) et s’accumulent dans les tissus humains.
Des enjeux sanitaires, environnementaux, industriels et technologiques
Face à la complexité des enjeux liés aux PFAS, dont les conséquences sont majeures pour l’environnement, la santé publique et la sécurité des activités industrielles, il est essentiel d’aborder le sujet avec rigueur et discernement, en évitant toute simplification ou approximation. Dans cette optique, une stratégie globale est nécessaire pour :
➔ hiérarchiser les PFAS selon leur toxicité, persistance et importance industrielle ;
➔ encadrer les usages essentiels par des conditions strictes (traçabilité, marquage, collecte, destruction) ;
➔ produire sans polluer, en garantissant des procédés industriels propres et contrôlés ;
➔ substituer les PFAS dès que possible par des alternatives sûres, sans impacts négatifs, validées scientifiquement, en sachant que cela prendra du temps ;
➔ mettre en place des filières de collecte et de destruction à haute température (>1000°C), sous atmosphère contrôlée et avec traitement des fumées ;
➔ traiter les eaux contaminées, notamment celles destinées à la consommation humaine, par charbon actif, membranes ou résines en gérant les déchets contaminés générés. Dépolluer les sols de manière ciblée, selon les risques et les coûts, en privilégiant les technologies éprouvées.
Des recommandations ambitieuses et opérationnelles pour une transition maîtrisée
Afin de répondre aux enjeux identifiés, le rapport de l’Académie des technologies souligne l’importance d’une approche rigoureuse, objective et hiérarchisée visant à réduire, voire éliminer, les PFAS et les produits qui en contiennent à toutes les étapes de la chaîne industrielle — de la recherche à la distribution, en incluant l’approvisionnement, le stockage, le conditionnement et la RSE. Cela conduit à formuler des recommandations majeures concernant la fabrication et l’utilisation des PFAS, la prise en charge des produits intégrant ces composés en fin de vie (rejets, collecte, recyclage, destruction), ainsi que la décontamination de l’air, de l’eau et des sols.
Ces recommandations concernent à la fois les pouvoirs publics, les industriels et les citoyens et englobent les priorités suivantes :
● Concernant les usages
● Lutter contre les risques de dissémination
● Importance des collectes et du tri
● Organiser une destruction sans risques
● S’appuyer sur les filières
● Remédier aux pollutions existantes :
○ Une communication claire sur la diversité des PFAS et leurs risques différenciés.
○ Une hiérarchisation des risques pour orienter les interdictions, substitutions et autorisations.
○ Une fabrication sans émissions environnementales des polymères jugés indispensables.
○ Le contrôle des importations pour éviter les PFAS cachés dans des produits.
○ Rendre visible la présence de PFAS dans les produits par un marquage obligatoire.
○ La responsabilité élargie des producteurs pour financer notamment le traitement des eaux usées.
○ Compléter les filières REP existantes pour la collecte, le tri et la destruction des produits PFAS.
○ La recherche et l’innovation pour développer des alternatives, des substitutions, des méthodes de détection et des procédés de dépollution.