Pourquoi la tech ?
Pendant mon école d’ingénieur, en prenant conscience des grands défis sociétaux, j’ai voulu exercer un métier qui contribue à y répondre. Les métiers technologiques sont de véritables leviers pour relever ces enjeux et avoir un impact concret dans le monde. De plus, la tech étant en constante évolution, elle offre un environnement d’apprentissage continu. Avec ma curiosité naturelle et ma tendance à toujours chercher à comprendre, cet univers dynamique est idéal pour moi. Travaillant aujourd’hui dans le domaine de la fabrication additive, je suis passionnée par cette technologie qui repense nos modes de production, apporte des solutions à des enjeux actuels et s’adapte à une grande diversité de secteurs.
Votre parcours ?
D’origine grecque, je suis arrivée en France en 2016 pour poursuivre mes études à l’Université de Technologie de Compiègne (UTC). J’ai d’abord intégré la branche ingénierie mécanique avant de choisir la filière Matériaux et Innovations Technologiques, où j’ai découvert la science des matériaux. Ce domaine m’a immédiatement fascinée par la diversité des applications dans de nombreux secteurs. Souhaitant contribuer aux technologies dédiées aux énergies bas carbone, j’ai réalisé mon stage de fin d’études au CEA sur l’optimisation des paramètres procédés d’une technologie additive (projection de poudres). Cette immersion dans le monde de la recherche m’a motivée et j’ai ensuite poursuivi au CEA avec une thèse en fabrication additive, menée en collaboration avec l’Université Clermont Auvergne.
Votre première expérience professionnelle dans la tech ?
Ma première expérience professionnelle après mes stages a été mon doctorat, une formation à la fois pour la recherche et par la recherche. Mon sujet de thèse portait sur l’intégration de luminophores dans des composants métalliques par fabrication additive, avec pour objectif de créer une couche de marquage luminescente capable d’indiquer le niveau de corrosion et d’alerter l’opérateur de la dégradation du matériau. Ce sujet novateur n’avait encore jamais été exploré, ce qui représentait à la fois un défi et une opportunité d’innover et de démontrer la preuve de concept. Une thèse c’est un moment privilégié pour se plonger pleinement dans un sujet, approfondir ses connaissances et devenir expert dans un domaine, tout en valorisant ses résultats.
Que faites-vous aujourd’hui et pourquoi ?
Après ma thèse, j’ai été recrutée au CEA en tant qu’ingénieure chercheuse en fabrication additive. Je poursuis et élargis la thématique de mon sujet de thèse, en explorant de nouvelles applications et en encadrant des personnes sur le sujet. Mon travail porte également sur le montage et le suivi de projets axés sur le développement de nouveaux alliages et à l’évaluation de leurs performances à des conditions extrêmes. Parmi les thématiques innovantes explorées par notre laboratoire, nous travaillons sur l’instrumentation de composants métalliques grâce à l’intégration de capteurs à fibres optiques, ouvrant ainsi la voie au développement de matériaux connectés. Dans ce cadre, j’encadre des sujets de stage et de thèse. Le métier d’ingénieur chercheur allie à la fois travail expérimental, pilotage de projets et encadrement d’équipes, offrant une approche complète de la recherche, de son développement à sa mise en application. C’est cette diversité qui m’a poussé à choisir cette voie.
Vos atouts pour ce poste ?
À la croisée de l’ingénierie et de la recherche, mon expertise en fabrication additive me permet de contribuer tant au développement des technologies qu’à l’évolution des matériaux et des innovations qui en découlent. Ce domaine en constante évolution exige une grande curiosité et une veille technologique permanente. L’apprentissage y est continu, nécessitant une forte capacité d’adaptation. Par ailleurs, la créativité est essentielle pour innover et proposer de nouvelles solutions.
Vos défis passés, vos ratés, vos grands moments de solitude ?
L’un de mes premiers défis a été mon intégration en école d’ingénieur, en devant maîtriser la langue tout progressant sur les aspects techniques et scientifiques. La distance avec ma famille et mes amis a été difficile au départ, entraînant quelques moments de solitude. Heureusement, j’ai eu la chance d’être soutenue par les étudiants et les enseignants, ce qui m’a permis de rapidement prendre le rythme. Dans mon quotidien de chercheuse, les expériences ratées sont fréquentes. Durant la thèse en particulier, ce type d’échec peut amener à remettre en question ses compétences et la valeur de son travail. Il n’est pas rare de douter de sa légitimité en tant que chercheur et ces périodes de remise en question peuvent parfois mener à des moments de solitude.
Vos meilleurs moments, les succès dont vous êtes fière ?
Bien que certains moments de solitude et des résultats non exploitables puissent survenir, l’obtention de résultats concluants est une étape stimulante qui motive à aller encore plus loin. Parmi les meilleurs moments dans mon travail sont ceux où je peux valoriser mes recherches, notamment à travers le dépôt de brevets, la publication d’articles scientifiques et la participation à des congrès internationaux. Rencontrer des pairs du domaine à l’international et échanger sur la science est une expérience enrichissante qui élargit les horizons. En parallèle de mes activités de recherche, je consacre du temps à intervenir dans des écoles pour sensibiliser les jeunes aux sciences et attirer les filles dans les carrières technologiques. Ces moments de partage et d’inspiration ont été particulièrement marquants, et voir de jeunes talents choisir de faire leur stage de 3e dans des domaines scientifiques est une véritable victoire. Un autre moment de grande fierté a été de recevoir le premier prix Fem’Energia 2024 dans la catégorie BAC+5 et plus, une distinction qui a renforcé la reconnaissance de mon travail et de mon parcours.
Des personnes qui vous ont aidée/marquée ou au contraire rendu la vie difficile ?
Depuis mon plus jeune âge, j’ai eu la chance d’être entourée d’enseignants qui m’ont encouragée et poussée à avancer. Je pense notamment à mon professeur de physique en terminale, qui m’a fait aimer une matière que je n’appréciais pas au départ, convaincue à tort que je n’étais pas faite pour ça. Grâce à lui, j’ai découvert une nouvelle façon d’aborder la physique, ce qui m’a finalement menée à intégrer plus tard une formation en ingénierie mécanique. Ma passion pour les matériaux s’est particulièrement révélée lors de ma formation à l’UTC, où les professeurs de la filière Matériaux et Innovations Technologiques m’ont fait découvrir cet univers fascinant. Je leur suis très reconnaissante de leur aide et leur inspiration, et c’est un plaisir de continuer à les croiser tout au long de mon parcours professionnel. Lors de mon doctorat, j’ai également eu la chance d’être entourée d’encadrants qui m’ont aidée à me construire professionnellement, tant sur le plan du travail que sur la valorisation de mes résultats. Je leur suis très reconnaissante, car ils ont cru en moi dès le début, même à des moments où je doutais encore. Finalement, le modèle le plus inspirant pour moi a été mon père. Il a traversé de nombreuses épreuves pour faire ce qu’il aime, mais a toujours cru en ses compétences et osé avancer.
Un aspect difficile de mon parcours, que j’ai réalisé avec le temps, est l’impact de certaines remarques qui, bien que semblant anodines sur le moment, auraient pu influencer mon choix de carrière de manière déterminante. C’est pourquoi je m’engage à montrer que la science et les technologies sont accessibles à tous.
Vos envies et défis à venir ?
En tant que jeune chercheuse, j’aspire à construire une belle carrière en explorant des sujets innovants dans les matériaux et la fabrication additive. L’un des défis majeurs de mon métier est de jongler entre différentes thématiques, ces sujets nécessitant souvent des compétences variées en métallurgie, procédés, thermodynamique, optique et bien d’autres domaines. Un autre challenge est de passer de l’autre côté de la barrière en encadrant des sujets de thèse, un rôle exigeant mais aussi très enrichissant. J’aimerais également, à long terme, avoir la possibilité d’enseigner à l’université des matières scientifiques en lien avec mon domaine de recherche.
Et que faites-vous en dehors de votre travail ?
Passionnée par la vulgarisation scientifique et engagée en faveur de la place des femmes dans les sciences, je m’investis depuis l’école d’ingénieur dans plusieurs actions pour promouvoir ces causes. Aujourd’hui, je suis membre du réseau Egalité Professionnelle du CEA, dont l’objectif est de faire découvrir les métiers scientifiques aux jeunes et d’encourager les filles à s’orienter vers ces secteurs. Nos interventions incluent des ateliers interactifs où les élèves réalisent des expériences, leur permettant d’explorer des phénomènes scientifiques tout en faisant le lien avec nos métiers. Je suis également engagée au sein de l’association WiN France (Women in Nuclear), ce qui renforce mon implication dans la sensibilisation des jeunes aux carrières techniques. En dehors des sciences, je nourris une passion de longue date pour la danse, que je pratique depuis mon enfance. J’y retrouve des parallèles avec la science, notamment dans la liberté d’expression et la créativité qu’elle offre.
Vos héroïnes (héros) de fiction, ou dans l’histoire ?
Plus jeune, j’admirais énormément le personnage d’Hermione Granger. Son intelligence et sa force de caractère m’impressionnaient et je pense qu’’elle a été une source d’inspiration pour de nombreuses filles. Aujourd’hui, mon admiration va vers des femmes engagées pour différentes causes, ainsi que des modèles du quotidien et des parcours professionnels inspirants.
Votre devise favorite ?
« Les limites, comme les peurs, ne sont souvent qu’une illusion ». Cette devise de Michael Jordan m’accompagne au quotidien, m’encourageant à oser et à ne pas me fixer de barrières. Elle me rappelle qu’il est essentiel de croire en ses capacités et de toujours aller de l’avant.
Un livre à emporter sur une île déserte ?
Peut-être « Atomic Habits » de James Clear, pour travailler sur la meilleure version de moi-même, surtout avec tout le temps libre que j’aurais sur une île déserte ! Sinon un tome de Harry Potter, une valeur sûre et réconfortante.
Un message ou un conseil aux jeunes femmes ?
Croyez en votre potentiel, soyez audacieuses et n’ayez pas peur d’aller chercher les opportunités qui vous permettront de grandir. Les métiers technologiques offrent un véritable espace d’épanouissement, permettant de personnaliser son parcours, d’apprendre chaque jour, de collaborer en équipe et de transmettre son savoir. Je recommande vivement ces métiers, qui sont riches en opportunités et en défis stimulants.