Académie des technologies

Cécile Villette

  • CEO et cofondatrice
  • Altaroad
  • 42 ans
  • Marrainée par Chloé CLAIR en 2023

Pourquoi la tech ?

Petite, j’aimais les mathématiques que j’ai toujours vu comme un jeu de logique. Ça m’a
conduit en prépa puis à Télécom ParisTech : un choix assumé puisque je voyais cette école d’ingénieurs comme la meilleure formation informatique de l’époque, avec l’intuition qu’il allait devenir un outil incontournable de notre société, donc un moyen d’action à mettre au service de mes projets.
C’est ce qui s’est réalisé. Sans pour autant tomber dans le techno-solutionnisme (la tech ne nous sauvera pas seule, il faut aussi réduire notre impact), j’ai monté une startup qui
utilise la technologie pour faciliter l’économie circulaire et la réduction d’impact environnemental dans le BTP, le secteur le plus polluant et gourmand en énergie, à
transformer d’urgence.

Votre parcours ?

Après un parcours Prépa et école d’ingénieurs à Telecom Paristech, j’ai passé plus de 12 ans de conseil chez Accenture et PWC en stratégie digitale et projets de déploiements. Il y a 8 ans, avec l’envie de créer mon entreprise, je choisis de faire un MBA à HEC et dans ce
cadre je rencontre ma première associée, Bérengère Lebental, chercheuse dans une unité de recherche de l’Ecole Polytechnique, du CNRS et de l’université Gustave Eiffel, engagée dans la mesure et la réduction d’impact des transports et infrastructures par le développement de capteurs innovants.
Nous nous rejoignons sur la vision d’une startup à impact qui utilise sa technologie pour aider les industriels à prendre les bonnes décisions concernant leurs transports, avec une première demande des acteurs du BTP. Nous sommes rejointes par une troisième cofondatrice opérationnelle, spécialiste de l’industrialisation de produit, Rihab Jerbi. La startup Altaroad est née en 2017.

Votre première expérience professionnelle dans la tech ?

Sortie de Telecom, j’intègre l’équipe internationale d’Accenture spécialisée dans les
objets connectés et les réseaux (pile le sujet de mes modules finaux à Telecom). Je suis
envoyée en Islande, en Australie ou en Inde pour travailler sur des lancements de produits
connectés (VoIP, TV sur IP, TV sur mobile, IoT domotique).

Que faites-vous aujourd’hui et pourquoi ?

Je suis la CEO et cofondatrice d’ALTAROAD, une entreprise qui utilise la technologie pour
faciliter l’économie circulaire et la réduction d’impact environnemental dans le BTP.
Je l’ai créé pour répondre à deux enjeux importants pour moi :
– agir dans un secteur à fort impact environnemental pour l’aider à se transformer et ainsi
agir à l’échelle de la société. La validation par l’ADEME et par l’Europe des projets
d’ALTAROAD comme partie intégrante du greendeal sont une très forte reconnaissance
pour moi.
– être mon propre chef pour répondre à mon besoin croissant d’autonomie d’une part et à
mon envie de travailler dans un environnement bienveillant et peu pyramidal d’autre part.
Le mot « bienveillance » revient sans arrêt quand nos employés parlent de la culture
d’entreprise d’ALTAROAD et c’est une grande fierté.

Vos atouts pour ce poste ?

– La double compétence ingénieure / business, un atout clé dans une startup « Deeptech »
très innovante où la priorité numéro 1 au démarrage est de trouver le fameux « product /
market fit ».
– Les enseignements de Telecom, d’une grande qualité, ce sont révélés directement applicables des années après être sortie de l’école pour comprendre les défis et enjeux du déploiement de différentes technologies.
– Les compétences développées dans le conseil, avec en particulier l’écoute client ont été des outils redoutablement efficaces pour naviguer entre l’incertitude et les
rebondissements liés à la vie d’une startup.

Vos défis passés, vos ratés, vos grands moments de solitude ?

Un burn out il y a 10 ans pendant mon parcours dans le conseil, avec l’impression de tirer
la sonnette d’alarme sur un projet mal vendu, de ne pas être entendu et d’être dans un
système absurde qui fonçait dans le mur. A posteriori ce projet-là était toxique. J’en ai
retenu de me faire davantage confiance : si je trouve que l’environnement est absurde et
toxique, il faut partir plutôt que de s’épuiser.

Vos meilleurs moments, les succès dont vous êtes fière ?

Les lancements réussis de mes projets en Islande, en Australie et plus tard en République
Tchèque, des projets qui ont nécessité du jus de cerveau, une forte collaboration
internationale, et du travail d’équipe pour sécuriser le lancement de technologies de
pointe dans des délais stricts.
Plus récemment, j’ai eu de grands moments de fierté à la signature du premier contrat
d’Altaroad, puis lorsque nous avons été lauréat de l’appel à projet du European Innovation
Council en tant que startup du Greendeal européen, et cette année quand Altaroad a été
nommé parmi les startups du prestigieux Frenchtech 2030, les entreprises les plus
prometteuses pour la France à horizon 2030.
Je suis aussi très fière de l’équipe d’ALTAROAD, d’avoir réussi à convaincre des talents clés
au démarrage et de voir cette culture d’entreprise que nous développons collectivement
grandir de manière si positive et efficace.

Des personnes qui vous ont aidée/marquée ou au contraire rendu la vie difficile ?

En positif, plusieurs de mes managers, qui ont stimulé mon envie de devenir un manager et
un leader, en illustrant le rôle déterminant d’accompagnement, de soutien et de
motivation qu’un bon chef peut avoir.
Manager 1, sur le rôle de formateur du manager : « On va envoyer ton document au client.
Si le client est content, c’est que tu as bien travaillé. S’il n’est pas content c’est que je
t’ai mal conseillé et que je l’ai mal relu ».
Manager 2, sur le rôle de mentor qui stimule l’ambition : « Tu ne te rends pas compte que
tu as énormément de potentiel, tu vises trop bas et trop court terme, vise plus haut, vise
le top. »
Manager 3, sur le soutien dans la prise de risque : « Tu nous quittes pour monter ton
entreprise, pense à moi pour investir parmi tes premiers investisseurs. »

Vos envies et défis à venir ?

Transformer l’essai des premiers succès d’Altaroad en la faisant grandir en une entreprise
pérenne, rentable et reconnue à l’international pour son impact environnemental positif.

Et que faites-vous en dehors de votre travail ?

Du sport : boxe, running et randonnée pour équilibrer avec l’intensité du travail.
De la lecture : pour m’inspirer et pour apprendre dans différents domaines.

Vos héroïnes (héros) de fiction, ou dans l’histoire ?

Esther Duflo, prix Nobel d’économie, pour son approche inspirante du combat des préjugés
sur la pauvreté par une approche méthodologique rigoureuse et l’analyse de données.
J’avais trouvé son livre « Poor Economics: rethinking poverty & the ways to end it »
particulièrement inspirant par sa rigueur et sa cohérence au travers des différents sujets
couverts. Elle permet de repenser l’approche de l’aide au développement économique, en
particulier la santé, l’éducation, l’accès au crédit, en passant par la lutte contre la
corruption pour obtenir des résultats concrets.
Emma Watson, l’emblématique actrice d’Hermione dans Harry Potter (en soit un rôle
model également !), pour son engagement contre les discriminations et son discours à
l’ONU dans le cadre du programme HeforShe, alors qu’elle était au top de la célébrité, sa
transparence sur son doute avant de prendre la réponse et son partage de ce qui l’avait
encouragé à le faire : « If not me, who ? If not now, when ? »

Votre devise favorite ?

Et s’il n’en reste qu’un je serai celui-là.
La détermination est une force ! J’avais en particulier trouvé ce TED Talk particulièrement
inspirant sur les facteurs de succès :
https://www.ted.com/talks/angela_lee_duckworth_grit_the_power_of_passion_and_perse
verance?language=fr

Un livre à emporter sur une île déserte ?

Culottées – Des femmes qui ne font que ce qu’elles veulent de Pénélope Bagieu, la BD pour
s’inspirer des nombreux parcours de femmes extraordinaires qui ne sont pas assez mises en
valeur.
The secret power of introverts de Susan Cain, pour exploiter au maximum ses capacités et
en être fières dans une société qui n’en reconnaît pas toujours la valeur a priori.

Un message ou un conseil aux jeunes femmes ?

J’ai longtemps eu peur de prendre la parole – en réunion, en public. Mais de manière surprenante, j’ai adoré faire du théâtre. Je me projetais comme quelqu’un d’autre, je
portais son message et j’en oubliais que j’avais le trac.
J’en ai retenu un « hack » pour mes prises de parole : je me projette comme le porte-parole de mon équipe, ou d’un message qui est important pour moi, et ça m’aide à réduire
la pression de l’audience. En l’occurrence pour Altaroad, vous m’entendrez parler d’économie circulaire et de réduction d’impact environnemental.
Si jamais vous n’osez pas prendre la parole, pensez que vous ne parlez pas pour vous : vous
êtes le porte-parole de votre message et il n’y a que vous pour le transmettre.

LE QUESTIONNAIRE
DU CHATELET

Le questionnaire auquel répondent les Femmes de tech est une variante du questionnaire de Proust, ainsi nommé non pas parce que Marcel Proust se serait égaré dans le métro parisien, mais en mémoire d’Emilie du Chatelet, femme de lettres, mathématicienne et physicienne, renommée pour sa traduction des Principia Mathematica de Newton et la diffusion de l’œuvre physique de Leibniz. Elle fût membre de l’Académie des sciences de l’Institut de Bologne. Emilie du Chatelet mena au siècle des Lumières une vie libre et accomplie et publia un discours sur le bonheur.

Emilie Du Chatelet

Femme de lettre, mathématicienne, physicienne

1706 - 1749