Académie des technologies

Clémentine MARCOVICI

  • Enseignante
  • Leo-Statz-Berufskolleg, Düsseldorf, Allemagne
  • 41 ans
  • Parrainée par Bruno DUBOST en 2022

POURQUOI LA TECH ?

La tech fait partie de ma famille. Je suis née dedans. Quand j’étais jeune, je ne me suis pas posé beaucoup de questions. J’étais une bonne élève à l’école, j’appréciais l’abstraction des mathématiques et son aspect binaire : on sait ou on ne sait pas, on a compris ou on n’a pas compris. Maintenant, à quarante ans, quand j’ouvre un cours de sciences, je prends du plaisir à le lire, à le comprendre plus profondément et à développer mon intuition. Étudier les mathématiques et les sciences les démystifie, c’est une très bonne chose. Mieux on comprend la complexité du réel, plus on est apte à distinguer le vrai du faux et à développer une pensée personnelle juste. C’est à la fois utile et important.

VOTRE PARCOURS ?

École et collège de quartier, grand lycée parisien, École polytechnique, et je suis devenue ingénieure au Corps des Mines. J’ai commencé ma carrière dans l’administration puis suis partie quelques années dans le secteur privé, dans l’industrie sidérurgique, avant un virage dans l’enseignement professionnel. Mon parcours est une mosaïque d’expériences variées. Quelques exemples parmi tant d’autres de sujets tech stimulants sur lesquels j’ai eu l’occasion de travailler : la concurrence dans le secteur de l’hydroélectricité, l’état de rivières transfrontalières, la chaîne d’approvisionnement de tubes en acier, les aléas du démarrage d’un nouveau laminoir ou la conception de situations d’apprentissage pratiques à l’école. J’ai occupé des fonctions à différents niveaux des organigrammes. Il s’agissait généralement d’environnements à prédominance masculine et j’ai participé à quelques reprises à des initiatives visant à rendre les femmes plus visibles.

VOTRE PREMIÈRE EXPÉRIENCE PROFESSIONNELLE DANS LA TECH ?

Je m’occupais dans la fonction publique du service régional d’environnement industriel en Lorraine. C’était un métier à l’interface de beaucoup de domaines : fonctionnement de sites industriels, dispositifs contre la pollution ou les risques, textes réglementaires techniques, et aussi management d’équipes et de projets ou préparation de décisions politiques. J’ai beaucoup appris.

VOUS FAITES QUOI AUJOURD’HUI ET POURQUOI ?

Je suis enseignante en mathématiques et informatique de gestion dans un lycée professionnel à Düsseldorf, en Allemagne. J’ai souhaité, après 15 ans de vie professionnelle, changer de voie, me centrer sur le sens humain du travail, fréquenter des jeunes, m’immerger dans une culture étrangère et avoir du temps pour mes enfants.

VOS ATOUTS POUR CE POSTE ?

Mes plus grands atouts sont mon expérience, ma capacité d’adaptation et mon engagement. L’enseignement est un métier exigeant sur le plan relationnel. Pour être à l’écoute des élèves, il faut avoir des ressources personnelles solides. Au-delà du contenu des cours, j’aimerais transmettre à mes élèves de l’esprit critique, de la curiosité, de la confiance en soi, de l’ouverture au monde et aux autres.

VOS DÉFIS PASSÉS, VOS RATÉS, VOS GRANDS MOMENTS DE SOLITUDE ?

Mes changements professionnels de ces dernières années ne sont pas du tout un projet planifié qui se déroule comme prévu, bien au contraire. Ils sont le fruit de grands moments d’incompréhension, de tâtonnement, de crainte pour le futur, et aussi de l’écoute progressive de mes besoins et de mes envies, du changement lent de perspectives, de rencontres insolites et de hasards.

VOS MEILLEURS MOMENTS, LES SUCCÈS DONT VOUS ÊTES FIÈRE ?

Je suis fière d’avoir réussi sur le chemin tracé de la réussite scolaire ingénieure française. Je suis fière de ne plus suivre de chemins tracés et d’arriver jour après jour, pas à pas, à tracer un chemin qui est le mien.

DES PERSONNES QUI VOUS ONT AIDÉE/MARQUÉE OU AU CONTRAIRE RENDU LA VIE DIFFICILE ?

Des personnes dans le contexte privé ont eu pour moi un rôle déterminant. Dans le contexte professionnel, des collègues m’ont soutenue dans des moments difficiles et sont ensuite devenus des amis très proches. Je pense à cinq copines connues à différents moments de ma vie, toutes d’anciennes collègues : nous étions des femmes dans des environnements d’hommes et c’est comme cela qu’a commencé notre amitié. Maintenant, je sais que des personnes de confiance peuvent nous faire voir le monde autrement et nous sortir de nos impasses. À l’inverse, des personnes en situation de pouvoir m’ont montré des facettes d’elles-mêmes auxquelles je ne m’attendais pas et qui m’ont parfois désarmée. Quand le discours ne correspond pas à la réalité, on peut vite perdre pied. Je suis devenue plus lucide sur certains types de comportements qui ne correspondent pas à mes valeurs.

VOS ENVIES ET DÉFIS À VENIR ?

Continuer à apprendre, à découvrir, à changer. Je pense demander l’année prochaine un temps partiel pour pouvoir suivre une formation continue et m’ouvrir à un nouveau métier, pour accompagner les jeunes dans un autre cadre, riche aussi de relations individuelles.

ET VOUS FAITES QUOI EN DEHORS DE VOTRE TRAVAIL ?

Je passe du temps seule, avec mes enfants et avec des personnes que j’apprécie. Je fais des promenades à vélo, je me suis remise à la guitare, je m’essaie au dessin, je pratique depuis peu la méditation, je lis.

VOS HÉROÏNES (HÉROS) DE FICTION, OU DANS L’HISTOIRE ?

Scarlett O’Hara et Jane Eyre sont mes deux héroïnes de jeunesse. Ce sont deux femmes pleines d’émotions, authentiques, qui s’emparent de leur destin, font face avec courage à ce qui leur arrive et vivent leur vie pleinement. Mes héros de l’histoire sont depuis toujours Mahatma Gandhi et Nelson Mandela. Je viens de lire un livre écrit par le petit-fils de Mahatma Gandhi, Arun Gandhi, sur l’éducation à la non-violence, qui m’a beaucoup plu. Je suis aussi émue lorsque je lis le soir à mes enfants les albums que nous avons à la maison sur Malala, Rosa Parks ou Marie Curie.

VOTRE DEVISE FAVORITE ?

« On ne voit bien qu’avec le cœur. L’essentiel est invisible pour les yeux. »

UN LIVRE À EMPORTER SUR UNE ÎLE DÉSERTE ?

Le Petit Prince d’Antoine de Saint-Exupéry, d’où est issue la citation ci-dessus. C’est un livre tellement beau. Pour moi, il raconte la solitude au milieu du monde.

UN MESSAGE OU UN CONSEIL AUX JEUNES FEMMES ?

Prenez le temps de vous écouter et de croire en vous.

LE QUESTIONNAIRE
DU CHATELET

Le questionnaire auquel répondent les Femmes de tech est une variante du questionnaire de Proust, ainsi nommé non pas parce que Marcel Proust se serait égaré dans le métro parisien, mais en mémoire d’Emilie du Chatelet, femme de lettres, mathématicienne et physicienne, renommée pour sa traduction des Principia Mathematica de Newton et la diffusion de l’œuvre physique de Leibniz. Elle fût membre de l’Académie des sciences de l’Institut de Bologne. Emilie du Chatelet mena au siècle des Lumières une vie libre et accomplie et publia un discours sur le bonheur.

Emilie Du Chatelet

Femme de lettre, mathématicienne, physicienne

1706 - 1749