Académie des technologies

Laura Létourneau

  • Chargée de mission "transformations numérique et écologique"
  • Services du Premier ministre
  • 33 ans
  • Parrainée par Nicolas Curien en 2023

Pourquoi la tech ?

La technologie, j’aime bien qu’on l’oublie. Le numérique, comme l’innovation, comme l’argent, ce n’est pas une fin en soi ; c’est un moyen parfois puissant d’atteindre des objectifs de fond plus nobles. C’est aussi une culture de la transparence, de la collaboration, du mode agile, précieuse pour mettre en œuvre des politiques publiques.

Votre première expérience professionnelle dans la tech ?

Je l’ai oubliée, du coup ! 

Votre parcours ?

J’ai d’abord travaillé deux ans dans le privé dans la transition écologique. Puis, en dernière année de formation au Corps des Mines, j’ai co-écrit avec Clément Bertholet le livre « Ubérisons l’État ! Avant que d’autres ne s’en chargent », qui prône la transformation des services publics selon le modèle collaboratif « d’État plateforme ». Ce modèle permet le beurre et l’argent du beurre : l’innovation dans un cadre de valeurs garantissant l’intérêt général. J’ai ensuite mis en œuvre nos recommandations à l’Arcep (Autorité de régulation des communications électroniques et des postes) et au Ministère des solidarités et de la santé.

Que faites-vous aujourd’hui et pourquoi ?

J’ai co-piloté la Délégation ministérielle du numérique en santé pendant trois ans et demi. L’objectif était d’utiliser le numérique pour rendre le citoyen acteur, fluidifier la coordination entre les professionnels de santé et développer des innovations thérapeutiques et organisationnelles, dans un cadre de valeurs éthiques qui garantisse le secret médical, ne laisse personne de côté et permette un numérique soutenable. Depuis septembre, j’ai été missionnée par le Directeur de cabinet de la Première Ministre pour capitaliser sur cette expérience afin d’accélérer d’autres transformations, notamment la transition écologique.

Vos atouts pour ce poste ?

La sensibilité, et je ne pense pas que cela ait un rapport avec le fait d’être une femme. On croit souvent qu’il faut avoir une carapace d’acier pour tenir, notamment en temps de crise, comme durant la pandémie Covid. Or être sensible c’est être suffisamment à l’écoute pour remonter à la vraie nature des blocages et trouver des voies alternatives, c’est capter les signaux faibles et prendre de meilleures décisions, c’est être ému.e par le malheur des autres et avoir envie d’en découdre pour le diminuer. Osons l’être !

Vos défis passés, vos ratés, vos grands moments de solitude ?

J’ai beaucoup pratiqué le handball et j’en ai gardé l’habitude de ne pas aimer perdre… du tout ! J’ai donc développé la faculté de croire que l’on ne perd jamais, en me forçant à voir en toute situation le verre à moitié plein !

Vos meilleurs moments, vos succès dont vous êtes fière ?

Lorsque qu’un industriel m’a dit que le rythme qu’on lui imposait était difficile à tenir mais qu’il nous en était reconnaissant en tant que citoyen. Lorsqu’une personne m’a indiqué qu’elle souhaitait rejoindre la Délégation ministérielle au numérique en santé car l’équipe « respirait la joie de vivre ».

Des personnes qui vous ont aidée/marquée ou au contraire rendu la vie difficile ?

Dans l’Administration, la vie est difficile… Décourageante, parfois. Mais je crois que c’est moins à cause de telle ou telle personne que d’un système qu’il ne tient qu’à nous tous, agents publics, politiques, entreprises, citoyens, d’améliorer ! Le chemin parcouru en santé numérique, avec notamment des systèmes d’information pour lutter contre le Covid mis sur pied en des temps record et Mon espace santé, montre que c’est possible.

Vos envies et défis à venir ?

Le nouveau défi qui m’occupe aujourd’hui : capitaliser sur notre expérience en santé numérique pour contribuer à faire avancer d’autres causes, comme la transformation numérique d’autres secteurs publics, et une méta-cause qui demande la mobilisation générale de tous : la transition écologique.

Que faites-vous en dehors de votre travail ?

Du forro (sorte de tango brésilien) et du hip hop avec l’héroïne de mon adolescence, Mia Frye.

Vos héroïnes (héros) de fiction ou dans l’histoire ?

Mia Frye mise à part, je ne suis pas très à l’aise avec le concept de héros, ni avec celui de « méchant », d’ailleurs. Les êtres humains ne sont pas des 0 et des 1 : les personnes les plus inspirantes ont toutes une part d’ombre, et les méchants une part d’humanité. Par ailleurs, le succès est collectif ou n’est pas : on ne fait jamais rien seul.

Votre devise favorite ?

« Que vos choix soient le reflet de vos espoirs et non de vos peurs », de Nelson Mandela. Typiquement, je préfèrerais que nos choix orientent nos sociétés vers un « Grand Soulagement », grâce à une transition écologique qui façonne un monde dans lequel on vivra collectivement mieux, plutôt qu’ils ne soient guidés par la crainte d’un « Grand Remplacement ».

Un livre à emporter sur une ile déserte ?

Plutôt de quoi faire de la musique pour continuer à danser !

Un message ou un conseil aux jeunes femmes ?

Soyez libres et faites-vous kiffer !

LE QUESTIONNAIRE
DU CHATELET

Le questionnaire auquel répondent les Femmes de tech est une variante du questionnaire de Proust, ainsi nommé non pas parce que Marcel Proust se serait égaré dans le métro parisien, mais en mémoire d’Emilie du Chatelet, femme de lettres, mathématicienne et physicienne, renommée pour sa traduction des Principia Mathematica de Newton et la diffusion de l’œuvre physique de Leibniz. Elle fût membre de l’Académie des sciences de l’Institut de Bologne. Emilie du Chatelet mena au siècle des Lumières une vie libre et accomplie et publia un discours sur le bonheur.

Emilie Du Chatelet

Femme de lettre, mathématicienne, physicienne

1706 - 1749