Académie des technologies

Anna SCHUTZ

  • Responsable d’un atelier de maintenance patrimonial du matériel roulant
  • RATP
  • 40 ans
  • Parrainée par Yves RAMETTE en 2024

Pourquoi la tech ?

La tech est pour moi davantage un moyen qu’une fin en soi. Elle doit nous permettre de répondre aux défis de demain en s’intégrant à une réflexion sociétale. Attirée au lycée par un parcours littéraire, j’ai pourtant fait le choix d’études scientifiques en raison des opportunités de carrière plus en phase avec mes aspirations. J’ai une profonde admiration pour les chercheurs, mais l’opérationnel et le besoin de résultats rapides m’ont conduite au métier d’ingénieure.

Votre parcours ?

J’ai suivi un parcours académique scientifique que j’ai voulu le plus ouvert possible en effectuant un double diplôme d’ingénieur « ENSAM/Supélec ». Après mon stage de fin d’études pour Schlumberger, j’ai décidé de poursuivre l’aventure principalement pour 3 raisons : une perspective de carrière internationale avec des équipes multiculturelles, des opportunités d’évolutions dans des domaines variés et une expertise technologique reconnue. Mon parcours est varié en raison de ma volonté d’être challengée par de nouvelles expériences (pays, domaines d’expertise etc.). J’ai choisi de commencer en tant qu’ingénieure terrain sur des plateformes pétrolières en Afrique de l’Ouest dans l’exploration (mesures de caractérisations du sous-sol) afin de mieux comprendre l’écosystème de l’entreprise et d’utiliser les technologies développées dans les centres techniques. Ensuite j’ai rejoint un de ces centres en Angleterre pour participer à la fabrication d’un outil de forage. Je me suis attachée à déployer une dynamique d’amélioration continue dans chacun de mes postes, et j’ai ainsi développé une expertise en Lean Six Sigma. Une fois le socle technique acquis, j’ai été recruteuse pour développer d’autres compétences managériales. Pour maintenir cette alternance entre opérationnel et technique, je suis partie au Sultanat d’Oman en tant que responsable maintenance. En 2016, j’ai fait le choix d’intégrer la RATP en rejoignant la maintenance du matériel roulant ferroviaire en tant que responsable méthodes. Depuis 2022, je suis responsable d’un atelier de maintenance patrimoniale.

Votre première expérience professionnelle dans la tech ?

Ma première expérience significative est celle d’ingénieure terrain au Congo. Ce premier poste avec des enjeux financiers et sécuritaires élevés a été très formateur tant sur le plan humain que technique. Les technologies de pointe utilisées pour caractériser le sous-sol m’ont fascinée. J’ai énormément apprécié le fait d’être autonome et de me voir confier la responsabilité de l’intégralité des opérations à chaque mission.

Que faites-vous aujourd’hui et pourquoi ?

Aujourd’hui je suis responsable de l’atelier de maintenance des équipements électropneumatiques, organes de freinage et de production d’air participant directement à la fiabilité et sécurité du matériel roulant ferroviaire de la RATP. Il s’agit d’un atelier de maintenance patrimoniale centralisée qui a pour clients tous les ateliers de maintenance du métro, du RER et du tramway. Je dois planifier et gérer la production au quotidien dans le respect des objectifs fixés, tout en construisant et déployant une vision de production cible avec des actions de transformation nécessaires pour absorber les augmentations de charge aux meilleurs coûts. Cela implique un accompagnement managérial fort sur le terrain.

Vos atouts pour ce poste ?

Les expériences acquises au cours de ma carrière m’ont permis de savoir gérer des situations complexes. J’ai de grandes capacités d’adaptation et de force de travail ce qui me permet de gérer les défis nombreux et variés.

Vos défis passés, vos ratés, vos grands moments de solitude ?

Parmi mes valeurs, l’intégrité est fondamentale et celle-ci a été mise à mal lorsque j’ai été témoin de comportements inadaptés de ma hiérarchie. J’ai dû faire face à cette situation en prenant des décisions difficiles mais en phase avec le code éthique de l’entreprise. Cette expérience a été douloureuse mais je ne regrette pas mes choix, bien au contraire : cela m’a permis de réinterroger mes aspirations et priorités tout en apprenant de mes erreurs, et en particulier de savoir mieux me protéger en pareilles circonstances en contactant plus rapidement la « cellule éthique » de l’entreprise. Face à ce type de situation il n’est pas possible de pouvoir tout gérer seule.

Vos meilleurs moments, les succès dont vous êtes fière ?

Je suis fière d’avoir pu rebondir après cette expérience aussi délicate qu’inattendue en démarrant dans un nouveau domaine ferroviaire, passionnant, au coeur d’enjeux techniques, économiques, environnementaux et sociétaux en le conciliant avec une qualité de vie privée équilibrée. J’ai également le souvenir ému, du retour d’une plateforme offshore, où avec mon équipe nous avions mené avec succès une opération complexe de plusieurs jours sans aucune interruption : un vrai défi technique et humain. La fête qui s’ensuivit aux sons des musiques congolaises résonne encore dans ma mémoire.

Des personnes qui vous ont aidée/marquée ou au contraire rendu la vie difficile ?

Tout d’abord mes parents qui m’ont toujours laissé penser que tout était possible et mon mari avec qui j’ai appris le compromis familial. Je retiens aussi Sylvie Buglioni, alors Directrice du Département du Matériel Roulant Ferroviaire à la RATP qui a su me redonner confiance en me proposant des missions de confiance très enrichissantes et intéressantes. En général j’ai été marquée par la bienveillance et le professionnalisme des équipes avec qui j’ai pu collaborer ou manager.

Vos envies et défis à venir ?

À court terme, réussir le déménagement de mon atelier de maintenance et faire du nouvel atelier une vitrine technologique et industrielle de la RATP. Le défi que cela représente concerne aussi la dimension humaine pour mobiliser toutes les compétences pour la réussite du projet. À plus long terme, continuer à évoluer au sein du groupe RATP : le secteur de l’exploitation m’attire afin de mieux appréhender le coeur de métier de l’entreprise mais également les projets de modernisation pour préparer le futur (arrivée des nouveaux matériels roulants et prolongements de ligne).

Et que faites-vous en dehors de votre travail ?

Tout d’abord je m’occupe de mon fils de 5 ans car les semaines sont bien chargées. Je lis également beaucoup et de façon éclectique. J’ai la chance d’avoir un collègue qui m’a entrainé dans l’aventure de la course à pied, je vais d’ailleurs bientôt préparer mon 3e marathon.

Vos héroïnes (héros) de fiction, ou dans l’histoire ?

En réfléchissant à cette question je me suis rendue compte que je n’avais pas vraiment de héros ou héroïnes. Je dirais que certaines personnalités m’inspirent comme Gisèle Halimi ou Simone Veil. Sinon, je retiendrais aussi, dans un tout autre registre, « Yoko Tsuno », ingénieure en électronique, une des seules bandes dessinées avec une héroïne que je dévorais au collège.

Votre devise favorite ?

« Tu me dis, j’oublie. Tu m’enseignes, je me souviens. Tu m’impliques, j’apprends ». Benjamin Franklin

Un livre à emporter sur une île déserte ?

Mis à part le guide de « Comment survivre sur une ile déserte pour les nuls », je pense que j’emporterais « Les Bienveillantes » de Jonathan Little pour supporter l’absence d’Humanité ou « Je ne reverrai plus le monde » d’Ahmet Altan qui aide à donner un sens au mot liberté.

Un message ou un conseil aux jeunes femmes ?

Tant que la question genrée sera posée, cela signifiera qu’il faudra continuer à faire évoluer la société, à ouvrir des portes et s’assurer qu’elles le restent. Suivre son chemin en osant mais tout en écoutant ses motivations profondes et non celles des autres.

LE QUESTIONNAIRE
DU CHATELET

Le questionnaire auquel répondent les Femmes de tech est une variante du questionnaire de Proust, ainsi nommé non pas parce que Marcel Proust se serait égaré dans le métro parisien, mais en mémoire d’Emilie du Chatelet, femme de lettres, mathématicienne et physicienne, renommée pour sa traduction des Principia Mathematica de Newton et la diffusion de l’œuvre physique de Leibniz. Elle fût membre de l’Académie des sciences de l’Institut de Bologne. Emilie du Chatelet mena au siècle des Lumières une vie libre et accomplie et publia un discours sur le bonheur.

Emilie Du Chatelet

Femme de lettre, mathématicienne, physicienne

1706 - 1749