Note :
Le questionnaire ci-dessous ne reprend pas les questions à choix multiples, auxquelles Valérie Pécresse n’a pas répondu.
Transition énergétique et climat
Quelles sont vos priorités pour décarboner l’économie française au moindre coût ?
Le contexte pour le climat et pour l’énergie s’est récemment encore alourdi. Le GIEC vient de publier un nouveau rapport qui confirme les conséquences du changement climatique déjà à l'œuvre. La guerre en Ukraine a fait brutalement prendre conscience, à ceux qui ne voulaient pas la voir, la dépendance stratégique de l’Union européenne aux énergies fossiles importées, et en particulier de Russie. Or le socle énergétique français, héritier des choix du General de Gaulle, a été affaibli ces dernières années. Fessenheim a été fermée et les centrales à charbon redémarrent. Un des fleurons de l’économie française, EDF, et un secteur clé pour la réindustrialisation, celui de l’énergie ont été fragilisés. La situation est grave. Elle inquiète les Français. Je suis déterminée à y mettre de l’ordre avec une boussole claire : lutter pour le climat en visant la neutralité carbone en 2050, conserver notre capacité à produire notre électricité avec des technologies que nous maîtrisons, et préserver le pouvoir d’achat des Français et la compétitivité des entreprises. Climat, souveraineté, pouvoir d’achat : voilà les enjeux ! Le bouclier tarifaire est une mesure de court terme prise dans la fébrilité. Il n’évitera pas que le pouvoir d’achat soit impacté après les élections, une fois la réalité des coûts rétablie. EDF en restera durablement fragilisé. C’est le fruit d’une politique incohérente. Le fruit d’une inconséquence et d’un aveuglement : arrêt de Fessenheim et plan de fermeture de 12 autres tranches nucléaires qui a été la boussole pour la filière pendant 10 ans, l’empêchant d’investir et d’embaucher. Sans parler de la ponction d’urgence de 8 milliards d’euros sur les capacités d’investissement d’EDF, qui n’est pas compensée par une augmentation de capital d’urgence. Une des premières missions de mon Premier ministre en la matière sera de mettre en place un plan de sauvetage d’EDF. Notre socle électrique restera le nucléaire, pilotable, abondant et dont le coût est indépendant des énergies fossiles importées. Je ferai donc une relance gaullienne du nucléaire, en m’appuyant sur cette filière d’excellence de la technologie française. Je l’ai déjà dit il y a plusieurs mois, cela nécessite de lancer immédiatement une première série de 6 EPR et de préparer la programmation des séries suivantes. Et il faut poursuivre l’exploitation des réacteurs existants, qu’il aurait été irresponsable de vouloir fermer tant qu’ils respectent les normes de sûreté. L’évidence a fini par vaincre les entêtements. Il faut aussi relancer le projet Astrid de quatrième génération qui peut résoudre une grande partie du problème des déchets. Quant aux petits réacteurs modulaires, il faut développer la filière française et ils contribueront dans un 2ème temps. Mais ils ne suffiront pas à eux tout seul ! L’objectif premier d’une politique énergétique responsable est de remplacer les énergies émettrices de gaz à effet de serre, pas de fermer le nucléaire. Charbon, pétrole et gaz représentent les trois quarts de l’énergie consommée en France. Les énergies fossiles causent un déficit commercial de 45 Mds €, qui va aller en s’aggravant. Pour s’en passer, il faudra développer les biocarburants, la méthanisation et la biomasse mais surtout mieux encourager l’électrification des transports, de l’industrie et des logements. Les projections montrent qu’il faut augmenter notre production électrique de près de 60% pour faire face à la croissance de ses usages à l’horizon 2050. Produire davantage d’électricité bas carbone et peu chère est donc indispensable. Dès que je serai élue, j’établirai une programmation, en concertation avec les Régions et je proposerai au Parlement de définir ces nouvelles capacités électriques dont le pays a besoin. Dans ce contexte de hausse de la consommation électrique, les énergies renouvelables : l’hydraulique, le solaire, la géothermie et l’éolien, doivent être vus comme des moyens de production complémentaires indispensables à notre mix énergétique. Je crois à l’opportunité d’une croissance nouvelle portée par une transition énergétique puissante et par l’innovation dans les énergies du futur comme l’hydrogène. C’est une opportunité pour la réindustrialisation de notre pays et pour le retour vers le plein emploi. Concernant l’éolien toutefois, le seuil de tolérance a été atteint dans plusieurs territoires, voire dépassé. A vouloir y aller à marche forcée, on a braqué les populations et les élus. Dorénavant aucun projet ne sera mis en œuvre contre leur volonté, et les projets non consensuels seront réexaminés sur terre comme en mer. Aux Régions aussi de réfléchir à l’utilité des stockages sur leur territoire pour optimiser la production et son usage. Je soutiendrai la signature de pactes régionaux comme celui qui fut signé en 2010 entre la région bretonne, le réseau et le Gouvernement. Cette expansion du système électrique n’est possible que si le financement est mis en place, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui. Un quart de la production d’EDF est vendue à un prix très inférieur à son coût complet et très loin de ce qui permettrait à EDF d’investir dans de nouvelles capacités. Ce n’est tout simplement plus acceptable ! Je demanderai à la Commission européenne de revoir son organisation obsolète des marchés électriques. Les prix de notre production nationale doivent pouvoir s’appliquer pleinement aux ménages français. Le marché de gros européen, largement distordu, ne donne plus les bons signaux pour l’investissement. Nous devons donc obtenir la possibilité pour les industries électro-intensives de passer des contrats d’achat à 15 ou 20 ans. Jamais le propriétaire allemand d’Ascoval n’aurait imaginé délocaliser sa production de rails pour la SNCF en Allemagne si son aciérie électrique française avait pu bénéficier d’un contrat de ce type. Jamais nous ne produirons l’hydrogène décarbonée, dont nous aurons besoin en 2050, si les électrolyseurs de peuvent pas être alimentés par une électricité bon marché à prix fixe. Maîtriser la production et le prix de notre électricité, c’est reprendre en main notre souveraineté, notre destin industriel, nos emplois et le pouvoir d’achat des Français. Si je suis élue, c’est ce que je ferai !
Technologies critiques pour notre indépendance
Pensez-vous qu’il faille développer un « cloud » européen pour que nos données personnelles et celles de nos entreprises ne puissent pas risquer d’être utilisées par des acteurs étrangers ?
J’ai pris très tôt position pour un cloud français à l’horizon 2030. Il doit être à 100% européen mais je souhaite que les entreprises françaises puissent y contribuer au maximum. Encore faut-il développer des acteurs français et européens et pour cela ne pas hésiter à fixer rapidement des quotas progressifs dans les commandes publiques pour ce qui concerne les logiciels et équipements numériques (50µ% en 2027). La position générale du Gouvernement Macron est beaucoup trop complaisante à l’égard des GAFAM, quand il ne s’agit pas des BAXT chinois. Le renoncement au cloud souverain pour passer à de prétendus « clouds de confiance » en est un des signes et n’est pas du tout satisfaisante quelle que soit la grande fiabilité de sociétés comme Capgemini, Orange ou Thalès. Si dans certaines conditions, acceptées en particulier par Microsoft, on peut garantir l’absence d’immixtion étrangère dans le traitement des données, ce n’est pas toujours le cas. Surtout, même dans ce cas, les couches logicielles et la maintenance de tels clouds continueront de reposer entièrement sur des acteurs extra-européens sans l’appui desquels ces clouds de confiance deviendront inopérants. Il nous faut une solution garantissant mieux notre souveraineté numérique.
On dit souvent que la prochaine « pandémie » sera liée à un virus informatique. Quelles mesures pensez-vous prendre pour réduire la vulnérabilité des ménages français et des entreprises et assurer leur cybersécurité ?
Pensez-vous qu’il faille se garantir l’accès à certaines technologies ou à certains équipements ? Lesquels ? Faut-il le faire au niveau français ou européen ?
Beaucoup d’innovations françaises sont valorisées par des groupes étrangers car nos start-ups ont du mal à trouver en France des financements leur permettant de se développer à grande échelle. Pensez-vous qu’il s’agit d’un problème important et si oui que proposez-vous pour le pallier ?
Place de la technologie dans l’enseignement et la formation
La France manque de décideurs maîtrisant les enjeux de la technologie : est-ce votre avis ? est-ce un problème important ? et si oui comment pensez-vous y remédier ?
Dans son rapport sur « l’enseignement de technologie au collège » (septembre 2021), l’Académie des technologies présente ainsi la technologie : « Technologie = Technique ∩ Application des sciences. (…) La technologie peut être aussi vue comme un champ d’application des sciences ». Dès lors, la question posée renvoie à deux autres: 1 - les décideurs français sont-ils insuffisamment issus des formations scientifiques ou d’ingénieurs ? 2 – peut-on faire mieux ? En effet, n’oublions pas que l’efficacité économique, l’innovation sont liées à la diffusion dans la société du savoir scientifique mis au service de la production. Dans le domaine économique et si l’on s’en tient aux décideurs des grandes entreprises, les formations scientifique occupent une large place. En 2018, 19 présidents français des entreprises du CAC 40 étaient ainsi issus d’écoles d’ingénieurs ou de formations scientifiques, majoritairement de l’X. 15 avaient suivi une formation de gestion, le plus souvent HEC-ESSEC. Ces écoles de gestion dispensent un savoir, notamment sur la base d’un enseignement en mathématiques sélectif, propice à la compréhension des enjeux technologiques ; elles développent aussi des programmes conjoints avec les écoles d’ingénieurs susceptibles de former à ces enjeux (cf. intelligence artificielle X-HEC avec même un double diplôme ou encore CentraleSupélec-ESSEC). En outre, le dynamisme de la French tech témoigne de la maîtrise des technologies par de jeunes diplômés. En revanche, des efforts doivent être entrepris dans trois domaines. Le premier : le bagage scientifique des décideurs au sein de l’administration est globalement insuffisant. Non qu’il soit nécessaire que tous les hauts fonctionnaires soient ingénieurs ou docteur es sciences ! Mais, d’’une part, la « culture scientifique » des hauts fonctionnaires n’est probablement pas suffisante pour appréhender tous les enjeux d’aujourd’hui et toutes les possibilités d’améliorer l’efficacité de l’action publique. Il est symbolique qu’il n’y ait plus de sortie automatique en fonction du classement de l’X vers l’ENA pour les diplômés de l’école d’ingénieurs, comme en a bénéficié le président Valéry Giscard d’Estaing en son temps. Surtout, les épreuves à l’entrée de l’ENA-INSP ne donnent aucun avantage à une culture scientifique et sont toutes tournées vers la gestion publique, obligeant les diplômés des formations scientifiques à se plonger dans une nouvelle formation s’ils souhaitent devenir hauts fonctionnaires. A noter que l’obtention d’un doctorat, quel que soit son champ, n’apporte quasiment aucun avantage pour une carrière administrative en dehors du champ de la recherche : si l’ENA a ouvert une voie pour les docteurs, celle-ci est très comptée (moins de 5 postes). Deuxième axe de progrès : les formations fondées sur les sciences et l’ingénierie sont insuffisamment attractives pour les jeunes filles et les femmes, en dehors du champ des sciences du vivant (santé, santé animale, agronomie, biologie). Et la réforme du baccalauréat a donné le coup de grâce concernant l’enseignement des mathématiques ! Nous reviendrons naturellement sur cette décision si délétère. Enfin, la maîtrise des enjeux technologiques doit faire l’objet d’une bien meilleure appropriation par l’opinion, à la fois pour bien se mouvoir dans une société où les technologies occupent une si large place mais aussi parce que beaucoup ayant désormais grandi dans une société fondée sur « le principe de précaution », ils manifestent parfois des craintes de principe face aux technologies. C’est donc dans ces trois directions qu’il faudra œuvrer. En particulier, s’agissant des décideurs au sein de la fonction publique, des opportunités existent aujourd’hui au moment de la création de l’INSP et il faudra ouvrir plus largement la haute fonction publique aux profils scientifiques, sans compter l’ouverture plus large de de leur formation aux sciences et technologies.
L’enseignement des technologies n’est pas une priorité dans notre système éducatif : faut-il changer cela, et si oui comment ?
Si l’enseignement des sciences, celles-ci étant le sous-jacent de la technologie, est suivi tout au long du système éducatif, s’il existe un enseignement de technologie au collège, le niveau en sciences des jeunes français est faible : en 2018, selon PISA, la France obtenait un score de 493 en culture scientifique, contre 502 pour les Etats-Unis, 503 l’Allemagne, 505 pour le Royaume-Uni. Ne parlons pas des pays asiatiques (529 au Japon) ni même de la Pologne qui atteint 511 ou l’Estonie 530, scores bien supérieurs aux pays naguère donnés en exemples (Finlande, Suède, Danemark). Par ailleurs, la filière spécifiquement technologique au lycée (Sciences et technologies de l’industrie et du développement durable - STI 2D, sciences et technologies de laboratoires - STL) a souffert de la concurrence des formations générales plus tournées vers les sciences avec une option sciences de l’ingénieur (S-SI). La réforme du lycée a achevé cette désaffection, avec la possibilité de construire des parcours moins rigides sur les compétences à acquérir en maths pour ces élèves qui évitaient la série S. Enfin, l’enseignement de collège est fortement dévalorisé, ce que relève d’ailleurs l’Académie des technologies dans son rapport de septembre 2021. Il s’agit d’abord de relever le défi des savoirs fondamentaux. A ce titre, la culture scientifique des jeunes mesurés par PISA à 15 ans devra traduire ces intentions. Ajoutons qu’en matière de numérique, elle entend mettre le codage, l’un des outils majeurs de la technologie aujourd’hui, au cœur des savoirs fondamentaux à acquérir dès le collège. La voie technologique doit, en outre, faire l’objet d’une attention que Jean-Michel Blanquer n’a pas témoignée. Les Régions doivent y être associées au titre de la carte des formations, mais aussi des équipements susceptibles de la rendre attractive. Les débouchés vers l’enseignement supérieur doivent aussi être travaillés, par exemple, vers les formations universitaires des « cursus en master ingénierie » accessibles après le bac. S’agissant de l’enseignement de la technologie au collège, les propositions du rapport de l’Académie de technologie de septembre 2021 constituent une base sérieuse à étudier. Enfin, l’enseignement de technologie doit s’appuyer sur la ressource du monde économique, Les liens avec les entreprises doivent être renforcés : le réseau des « ingénieurs pour l’école » au sein des rectorats sera dynamisé ; les entreprises seront sollicitées pour construire des projets concrétisant les savoirs appris pour apporter une réponse technologique dans une démarche de gestion de projet de nature à faire naître des vocations et souligner des savoir-être utiles ensuite pour l’insertion.
Les mathématiques sont essentielles pour la technologie et pour un nombre croissant d’activités humaines : comment proposez-vous de remédier à la baisse observée du niveau des élèves ?
L’effondrement des mathématiques en France, tant comme discipline scolaire enseignée dès le primaire que comme domaine de la recherche la plus avancée, est un phénomène documenté qui inquiète. Il marque la fin d’une excellence française. Selon les dernières observations de la direction de l’évaluation, de la prospective et de la performance (Depp), à la fin du primaire 42,4 % des élèves ont une maîtrise fragile des mathématiques, voire de grandes difficultés. Multiplier 35,2 par 100 représente ainsi un obstacle majeur pour la moitié des élèves. Un jeune Français sur dix est en difficulté dans l’utilisation des mathématiques de la vie quotidienne. La réforme du baccalauréat a aggravé la détérioration de la place des mathématiques dans la formation des jeunes en général, des jeunes filles en particulier. Le nombre d’élèves suivant un enseignement mathématique a chuté. L’année du bac, 40 % des lycéens ne font plus du tout de maths. Au sein de cet ensemble la part des filles a fortement diminué (La part des filles en spé math passe à 38% soit un recul de 10 points par rapport à l’ancienne S qui était à quasi parité avec 48% de filles) Nous proposons de reconstruire une filière d’excellence française. Les expériences étrangères (Finlande, Allemagne, Singapour et son programme : « Des écoles qui pensent, une nation qui apprend ») montrent en effet que le succès repose sur le traitement intégral de toute la filière : recrutement, formation, rémunération, programmes, horaires, manuels, méthodes. 1.1 À l’école primaire, il faudra revenir à l’enseignement des fondamentaux et accroitre la part d’enseignement des mathématiques. Notre projet formule une proposition concrète de plus une heure hebdomadaire de mathématiques pour tous les élèves dans l’ensemble du cycle primaire. 1.2. Une évaluation permanente et ciblée de cet enseignement stratégique : Les résultats des élèves seront évalués de façon systématique et régulière. La détection des décrochages sera précoce et la remédiation immédiate : études surveillées, devoirs faits, stage de remise à niveau. 1.3. Les talents précoces seront également repérés et accompagnés, par exemple par un système de bourses ou un cursus spécifique. 1.4. Des programmes et des méthodes d’enseignement repensés : Les programmes, ceux de mathématiques comme les autres, seront au moins pour les cycles correspondant à la scolarité obligatoire recentrés sur les apprentissages fondamentaux, et fondés sur des principes simples : exigence, cohérence, concision, progression, évaluation. 1.5. Les méthodes reprendront ce qui marche, sans idéologie. Le travail sur les automatismes de calcul à tous les âges sera privilégié : répétition, calcul mental, tables, mémorisation, résolutions de problèmes. Sans remettre en cause une conception des manuels reposant sur le principe de liberté, le Ministre aura la possibilité de recommander officiellement les manuels les plus à mêmes de répondre aux exigences des programmes. 2. Redonner une plus grande place à l’enseignement des mathématiques au lycée. J’ai la première publiquement annoncé mon intention de remettre les mathématiques dans le tronc commun de formation au lycée (Par ex. Les Echos, 6 février 2022). 3. Dans le cadre de l’autonomie renforcée que nous appelons de nos vœux, il faut permettre à un établissement public innovant 100% autonome de se positionner comme un lycée « Math + » lui permettant d’affecter prioritairement ses ressources sur ce projet (postes à profil, études surveillées, suivi particulier, heures de « colles », stages, enseignements supplémentaires). 4. Réformer en profondeur le recrutement et la formation des professeurs : valoriser le choix des math Dans le premier degré, il conviendra d’instituer un concours avec bivalence comportant une "dominante mathématiques" permettant de recruter des étudiants au profil plus scientifique, cette qualification donnant droit à une prime spécifique ou à une entrée dans la fonction à un échelon plus élevé et un avancement de carrière plus rapide. Dans le second degré, une prime exceptionnelle d'entrée de carrière aux professeurs de Mathématiques, de Physique-Chimie et de Sciences de la Vie et de la Terre pourra être accordée.
Que proposez-vous pour attirer plus de femmes vers les filières scientifiques et technologiques ?
Tentons d’abord de nuancer le tableau avec trois faits : - les jeunes filles représentent 30% des élèves choisissant la spécialité Sciences et vie de la Terre contre 22% des garçons ; en revanche, elles choisissent bien moins la spécialité mathématiques (31% contre 55%), physique (29% contre 40%) et moins encore la spécialité Numérique et sciences informatique (moins de 1% contre 7%). - elles constituent 67% des étudiants des élèves des écoles sous tutelle du ministère chargé de l’agriculture contre 29% pour l’ensemble des écoles d’ingénieurs publiques ; - 63% des étudiants en sciences de la vie et de la Terre à l’université sont des étudiantes ; contre 30% en sciences fondamentales. Deux enjeux : - les jeunes filles doivent être attirées vers les spécialités scientifiques et technologiques où elles sont moins représentées ; - elles doivent être accompagnées pour moins abandonner ces spécialités entre la 1ère et la Terminale, notamment en mathématiques (30% à l’avoir choisie en terminale contre 55% en 1ère ; à noter que ce renoncement aux maths est aussi significatif pour les garçons, même si c’est à un niveau moins prononcé). La réponse doit être apportée plus largement dans le travail sur l’orientation qui est promue dans ce programme. C’est d’abord un accompagnement au plus près des collégiens et lycéens qui peut être réalisé par les Régions. C’est aussi un travail d’information qui doit mobiliser les entreprises pour témoigner des enjeux que recouvre la maîtrise des savoirs scientifiques spécifiques desquels elles se détournent (physique, sciences fondamentales, informatique). Au risque de la trivialité, on peut travailler sur l’ours blanc au titre des sciences du vivant mais il serait préférable d’apporter des réponses en amont sur le climat, en mobilisant les enjeux énergétiques qui font appel aux sciences fondamentales insuffisamment attractives après des jeunes femmes. Bref, ouvrir leur champ de réflexion en reliant leurs préoccupations aux disciplines scientifiques fondamentales et non pas seulement aux sciences du vivant.
Place de la technologie dans la société
Les enquêtes de l’Académie des technologies montrent que les Français sont de plus en plus méfiants vis-à-vis des technologies et des experts : est-ce un problème important ? et si oui comment pensez-vous y remédier ?
Les réactions à l’égard du vaccin ont été très parlantes. Les théories complotistes prospèrent là où la culture scientifique fait défaut. Les progrès sont possibles : lorsque j’étais ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche, j’ai dû saisir l’Académie des sciences pour faire taire les théories climato-sceptiques que certaines personnalités influentes, à l’instar de Claude Allègre, continuaient de diffuser. Ceci est désormais tranché et derrière nous. Pour éviter que ne se développe cette méfiance à l’égard des technologies, il faut d’une part développer les formations et l’esprit scientifiques, comme expliqué plus haut. Mais d’autre part, il faut aussi soumettre l’usage des technologies à des contrôles stricts qui garantissent les libertés individuelles, le droit à l’oubli, le contrôle de l’homme sur la machine. L’internet des objets est par exemple un domaine où la plus grande prudence devra être de mise. Personne en France ne veut une société à la Big Brother !
Que pensez-vous du principe de précaution, selon lequel « l’éventualité d’un dommage susceptible d’affecter la santé ou l’environnement de manière grave et irréversible appelle, malgré l’absence de certitudes scientifiques sur les risques encourus, la mise en œuvre de procédures d’évaluation des risques et l’adoption de mesures provisoires et proportionnées au dommage envisagé ? Faut-il le reformuler, en restreindre ou en élargir l’usage ?
Je pense que l’inclusion dans l’ordre constitutionnel de la charte de l’environnement était nécessaire. Le principe de précaution tel qu’il est rédigé est à sa place et convient, notamment par sa rédaction qui insiste à juste titre sur les notions de proportionalité et d’irréversibilité. Le problème tient dans les conséquences qui sont tirées abusivement de ce principe. Notre société devient une société de la précaution excessive. Le nécessaire respect de l’environnement ne saurait rendre les initiatives, les expérimentations ou le progrès impossibles. Il y faut de l‘audace créative et de l’esprit de recherche et d’aventure. Notre société doit atteindre la maturité suffisante pour mieux combiner ces deux nécessités. Le balancier doit clairement revenir dans le sens d’une action publique et privée moins abusivement « précautionneuse ».