Académie des technologies

Modifier la réglementation thermique des bâtiments neufs afin de baisser les émissions de gaz à effet de serre au moindre coût

Avis voté par l’Assemblée à la séance du 5 juillet 2017

À l’automne 2016, comme convenu à la COP 21, notre pays a déposé au siège des Nations unies la contribution nationale pour le climat (NDC). Désormais, seuls les engagements de réductions d’émissions de gaz à effet de serre (GES) sont contraignants. Les stratégies d’amélioration de l’efficacité énergétique et de développement des énergies renouvelables doivent donc y être subordonnées, tout en prenant en compte le développement des filières industrielles correspondantes dans notre pays, et leur efficacité économique pour limiter les émissions de GES au moindre coût.

La future réglementation des bâtiments neufs, dite RBR 2018-2020 (1), ne prend pas en compte ce changement et continue de considérer sans hiérarchie les différents objectifs en s’appuyant sur le développement des bâtiments et des territoires à énergie positive, respectivement BEPOS et TEPOS. Elle n’évalue pas le coût de la tonne de GES évitée. Limitant en outre la liste des solutions techniques autorisées, elle empêche de facto de choisir des solutions pouvant avoir un meilleur rapport bénéfice-coût économique et social que celles autorisées.

L’Académie des technologies propose cinq éléments clefs d’analyse pour modifier cette réglementation.

1. Assurer un bilan énergétique annuel positif d’un bâtiment ou d’un territoire n’assure pas de limitation des émissions de GES et n’a pas de sens économique.

En effet, pouvoir compenser sur l’année l’usage d’énergies fossiles par de la production d’électricité photovoltaïque ou d’autres renouvelables, ne garantit pas la limitation des émissions de GES, même si il existe des réalisations de BEPOS remarquables sur les plans énergétique et économique comme sur celui des émissions de GES.
En outre, l’approche purement énergétique de BEPOS revient de facto à considérer que l’on peut compenser les moments où l’énergie est rare et chère par ceux où elle est abondante et peu chère, ce qui n’a pas de sens économique.

2. Introduire la notion de bâtiment basses émissions (BBE) comme notion première.

L’Académie des technologies recommande de fonder la règlementation sur le concept de BBE, pour éviter la construction de bâtiments neufs, qui seront encore présents à la fin du siècle, émettant des quantités de GES significatives: les solutions techniques économiques (matériaux, systèmes et régulations) pour ce faire existent pour tout type d’habitat, sous réserve que soit fixé un niveau de base raisonnable d’émissions annuelles de kg de CO2 par m2 pour les usages thermiques.

3. Promouvoir la production de chaleur à partir des ENR.
Pour diminuer la part d’énergies fossiles, dont l’importation grève au demeurant notre balance commerciale, l’Académie des technologies recommande d’augmenter la part d’énergies renouvelables dans la production de chaleur via les systèmes le permettant de manière économique (chauffages à accumulation, cumulus d’eau chaude, capteurs solaires thermiques, récupération des chaleurs basses températures, chaleur biomasse, réseaux de chaleur, biogaz, etc.) et de la consommer au plus près de la production. 
La production de chaleur par l’électricité permet notamment d’utiliser la production d’énergie renouvelable distante lorsque celle-ci est disponible. Il faut l’affecter dans les bilans énergétiques d’un coefficient a minima aussi favorable que le gaz naturel dès que l’électricité a un faible contenu en GES (par exemple 100 gCO2 /kWh, ce qui est nettement inférieur aux systèmes utilisant des énergies fossiles). 

4. Penser le bâtiment comme un système énergétique à optimiser entre usages de l’énergie, apport via les réseaux et production locale à base d’énergies renouvelables pour minimiser les émissions de GES.

Installer de la production d’énergies renouvelables, photovoltaïque notamment par les bâtiments, implique de penser simultanément la mise en place d’usages flexibles ou déplaçables en fonction des ressources nationales ou locales disponibles. Cela implique aussi d’installer du stockage d’électricité et du stockage de chaleur dès que leur efficacité économique est démontrée et qu’ils permettent de baisser les émissions : les transferts jour/nuit sont efficaces, les transferts sur des durées hebdomadaires voire entre saisons sont à développer. Ceci s’applique à tout le parc, y compris celui des logements sociaux.  

5. Maintenir la cohésion, la cohérence et la solidarité nationale dans le développement des nouveaux systèmes de production et de distribution de l’électricité.

S’il est bienvenu de mobiliser les acteurs et les ressources au niveau des territoires pour accélérer la réduction des GES, l’Académie des technologies considère que, comme pour les bâtiments, il faut promouvoir des Territoires basses émissions et non des TEPOS, Territoires à énergie positive. Ce concept risque en effet de pousser à utiliser des ressources locales coûteuses au lieu d’en utiliser d’autres moins coûteuses d’un territoire voisin. En outre, notre stratégie d’indépendance énergétique et de garantie d’approvisionnement s’élabore au niveau national. C’est lui qui est responsable in fine de la robustesse des réseaux de distribution de pétrole, de gaz et d’électricité. Les collectivités doivent également participer à l’efficacité globale des systèmes dans un esprit de solidarité nationale.

(1) RBR, Règlementation Bâtiment Responsable, est le projet de règlementation des bâtiments neufs pour les années 2018-2020.